Juan Rulfo : On nous a donné la terre. Résumé et analyse

Juan Rulfo : On nous a donné la terre. Résumé et analyse

Synopsis : On nous a donné la terre (Nos han dado la tierra), un conte de Juan Rulfo publié dans El llano en llamas en 1953, raconte le parcours de quatre paysans qui marchent sous un soleil de plomb après avoir reçu des terres du gouvernement. À travers un paysage aride et désolé, le récit montre leur fatigue, leur silence et l’incertitude quant à l’avenir qui les attend. Avec une prose simple, Rulfo dépeint la dureté de la campagne et la frustration de ceux qui ont été oubliés par le système. L’histoire, chargée de symbolisme et de critique sociale, expose le combat silencieux des dépossédés dans un monde injuste.

Juan Rulfo : On nous a donné la terre. Résumé et analyse

Avertissement

Le résumé et l’analyse qui suivent ne sont qu’une apparence et l’une des nombreuses lectures possibles du texte. Ils ne se substituent en aucun cas à l’expérience de la lecture intégrale de l’œuvre.

Résumé de On nous a donné la terre de Juan Rulfo

Dans le conte On nous a donné la terre, Juan Rulfo raconte l’histoire de quatre hommes qui marchent sous un soleil de plomb à travers une vaste plaine aride et sèche. Ils marchent depuis l’aube et maintenant, vers quatre heures de l’après-midi, ils sentent l’épuisement à chaque pas. Ils étaient plus de vingt auparavant, mais le groupe s’est dispersé jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’eux : le narrateur, Melitón, Faustino et Esteban. Au loin, les aboiements des chiens et l’odeur de fumée annoncent la proximité d’un village, mais ils ont encore beaucoup de chemin à faire pour y arriver.

Le chemin est dur et monotone. La chaleur est étouffante et les mots se dessèchent dans leur bouche, de sorte qu’ils peuvent à peine se parler. Une nuée chargée d’eau passe au-dessus de leurs têtes, générant un bref instant d’espoir, mais ne laisse tomber qu’une goutte sur la terre desséchée avant d’être emportée par le vent. La plaine ne change pas ; elle reste un terrain stérile, sans arbres ni ombre, sans vie.

Au fur et à mesure qu’ils avancent, le narrateur réfléchit à la terre qui leur a été donnée. Avant, ils avaient des chevaux et des armes, mais maintenant, il ne leur reste que leurs pieds et le poids de la réalité. Le gouvernement leur a donné cette immense plaine dans le cadre d’un partage agraire, mais ils savent que la terre ne sert à rien. Ils voulaient des terres fertiles au bord du fleuve, où poussent des arbres et où la terre est humide, mais au lieu de cela, on leur a donné ce terrain stérile et dur comme de la pierre. Ils ont essayé de protester et d’expliquer que rien ne pousserait là-bas, mais le délégué du gouvernement ne les a pas écoutés. Il leur a remis les papiers et les a congédiés avec l’indifférence de celui qui a déjà accompli son devoir.

Melitón, résigné, dit que c’est la terre qui leur a été attribuée. Faustino, incrédule, répond à peine. Le narrateur, en revanche, pense qu’il est absurde de considérer cette plaine comme un véritable héritage. Même les vautours ne restent pas dans cette étendue morte, ils ne font que la survoler en passant. Esteban, quant à lui, cache un poulet sous son manteau, comme s’il s’agissait d’un symbole de ce qu’il leur reste. Il explique qu’il l’a apporté avec lui parce qu’il ne voulait pas qu’il ait faim dans sa maison vide.

En arrivant au ravin, le paysage change. La terre devient plus fertile, la poussière se soulève à chaque pas et l’on sent l’air de la végétation proche. Pour la première fois de la journée, les hommes éprouvent un sentiment de soulagement. Des volées de chachalacas volent au-dessus de la rivière et le bruit des chiens est maintenant plus net. Esteban se sépare du groupe et se perd avec son poulet parmi les arbres. Les autres continuent d’avancer vers le village.

Mais la réalité est toujours là : la terre qu’on leur a donnée est en haut, dans la plaine sèche et hostile. C’est un cadeau inutile, un morceau de terre morte où rien ne poussera, où la vie ne peut s’établir.

Personnages de On nous a donné la terre de Juan Rulfo

Le narrateur est la voix principale du récit. C’est un homme réfléchi qui observe et analyse attentivement l’environnement et la situation dans laquelle lui et ses compagnons vivent. Bien que son nom ne soit pas mentionné, sa vision du monde est empreinte d’une lucidité amère. Avec une attitude entre la résignation et l’incrédulité, il exprime un scepticisme profond quant à l’utilité de la terre qu’on leur a donnée. Son regard révèle non seulement l’épuisement physique causé par la marche sous le soleil, mais aussi la fatigue émotionnelle de celui qui a été dépouillé de tout espoir. C’est le personnage qui remet le plus en question la décision du gouvernement et, bien qu’il ne se rebelle pas ouvertement, son monologue intérieur révèle l’ironie de la situation : on leur a donné un territoire inhabitable, un cadeau vide.

Melitón est un autre des paysans qui font partie du petit groupe. Il se montre silencieux et résigné, comme s’il avait déjà accepté son destin sans trop le remettre en question. C’est lui qui, par une simple phrase, résume la désillusion du conte : « Voici la terre qu’on nous a donnée ». Son attitude transmet le poids de la soumission, comme si la souffrance et l’injustice faisaient déjà naturellement partie de son existence. Sa passivité et son manque de réaction face à la réalité contrastent avec la pensée critique du narrateur.

Faustino, quant à lui, est un personnage plutôt silencieux qui n’intervient guère dans le récit. Sa seule participation notable est lorsqu’il répond presque automatiquement à l’affirmation de Melitón. Sa figure représente ceux qui ont été réduits au rôle de spectateurs dans leur propre vie, trop épuisés ou démotivés pour exprimer ne serait-ce qu’une plainte. Son mutisme renforce l’idée que le découragement a profondément pénétré les paysans, au point qu’ils ne voient même plus l’intérêt de protester.

Esteban est le seul du groupe à montrer un attachement tangible à autre chose que sa propre survie. Il porte un poulet caché sous son manteau, un détail apparemment insignifiant mais chargé de symbolisme. Alors que les autres ont abandonné tout espoir, il conserve un lien avec son foyer et son passé. Il dit qu’il l’a amenée parce qu’il n’y avait personne pour la nourrir dans sa maison vide, ce qui suggère qu’il n’a pas de famille qui l’attende. Malgré tout, il prend soin de l’animal avec soin, lui parlant et le protégeant de la chaleur. Quand ils arrivent au village, il se sépare du groupe et disparaît avec sa poule, comme s’il cherchait un moyen de continuer sa vie ailleurs. Son attitude contraste avec la résignation des autres et montre que, même si elle est minime, il existe encore une volonté de s’accrocher à quelque chose.

Analyse de On nous a donné la terre de Juan Rulfo

On nous a donné la terre, de Juan Rulfo, est une nouvelle courte mais chargée de sens. À première vue, elle raconte le voyage de quatre paysans qui traversent une plaine aride, mais en réalité, c’est une réflexion profonde sur l’injustice, le désespoir et l’échec de la réforme agraire au Mexique. Pour mieux la comprendre, il est nécessaire d’analyser son contenu et ce que l’auteur veut nous transmettre à travers son style unique et son symbolisme.

Le titre nous donne déjà un indice sur le conflit central : les personnages ont reçu des terres dans le cadre d’une politique de redistribution agraire, mais le problème est que ces terres ne servent à rien. Il n’y a pas d’eau, la terre est dure comme de la pierre et on ne peut rien y semer. C’est un cadeau inutile, une façon de leur faire croire qu’ils ont été favorisés alors qu’en réalité, ils ont été abandonnés à leur sort. Ce point est essentiel pour comprendre la critique de Rulfo : le gouvernement distribue des terres, mais ne se soucie pas de savoir si elles peuvent réellement être cultivées, de sorte que les paysans se retrouvent dans une situation identique ou pire qu’auparavant.

L’espace dans lequel se déroule l’histoire est fondamental pour comprendre le sentiment de vide et de désespoir qui imprègne le conte. La plaine est un endroit mort, sans ombre, sans eau, sans vie. Rulfo le décrit avec des phrases courtes et directes, et transmet la fatigue et l’épuisement des personnages. Le soleil brûlant, la poussière et l’absence de végétation renforcent l’idée que les paysans ont été condamnés à un destin impossible. L’environnement est si hostile que même le langage est affecté : les personnages ne parlent presque pas parce que la chaleur leur dessèche la bouche et leur enlève l’envie de communiquer. Le silence est une métaphore de leur résignation.

L’attitude des personnages en dit également long sur le message du conte. Il n’y a pas de grandes révoltes ni de discours de protestation ; il n’y a que de la lassitude et un désenchantement silencieux. Lorsqu’ils ont tenté de démontrer que les terres étaient inutiles, le délégué du gouvernement ne les a pas écoutés. Il n’a pas tenu compte de leur demande, car la décision était déjà prise. Cet épisode reflète l’impuissance des paysans face à un système qui ne leur donne pas la parole. Au lieu de se battre ou de se révolter, ils acceptent leur destin avec un mélange de résignation et de désespoir. Leur passivité n’est pas le signe d’un conformisme, mais le résultat d’années d’ignorance et de maltraitance.

L’un des symboles les plus importants du conte est la poule qu’Esteban porte. Au milieu d’un paysage où tout semble mort, ce petit animal est la seule chose qui représente la vie. Alors que les autres ont laissé derrière eux tout lien avec leur passé, Esteban s’accroche encore à quelque chose, aussi insignifiant soit-il, comme une poule. Cela contraste avec la terre stérile qu’on leur a donnée : alors que la plaine ne peut pas soutenir la vie, Esteban s’accroche au peu qu’il a. Quand ils arrivent au village, il se sépare du groupe et disparaît avec sa poule, ce qui peut être interprété comme une petite résistance face au destin imposé. Contrairement aux autres, qui continuent à marcher sans but, il choisit un chemin différent, même si nous ne savons pas où il le mène.

La fin de l’histoire est l’un des passages les plus marquants. Bien que les paysans arrivent au village, la terre qui leur appartient est toujours là-haut, dans la plaine sèche et inhabitable. C’est une fin qui laisse un goût amer : ils ont marché pendant des heures, ont souffert de la chaleur et de la fatigue, mais n’ont en réalité pas avancé d’un pouce. Ils sont toujours aussi démunis qu’au début. Cette fin renforce la critique de Rulfo : la répartition des terres n’a pas amélioré la vie de ces hommes, elle leur a seulement donné une illusion de progrès vide de sens.

En définitive, On nous a donné la terre est un conte qui, en très peu de mots, transmet un message profond sur l’injustice sociale et le désespoir. À travers la description de la plaine, l’attitude des personnages et de petits détails comme la poule, Juan Rulfo nous montre la souffrance silencieuse des paysans et l’ironie d’un système qui leur promet un avenir meilleur, mais qui en réalité les condamne à une vie dans la misère. C’est une histoire qui ne parle pas seulement du Mexique de la réforme agraire, mais qui reste d’actualité dans tous les contextes où l’inégalité et le manque d’opportunités condamnent les gens à survivre dans des conditions impossibles.

Juan Rulfo : On nous a donné la terre. Résumé et analyse
  • Auteur : Juan Rulfo
  • Titre : On nous a donné la terre
  • Titre original : Nos han dado la tierra
  • Publié dans : Pan Nº 2, juillet 1945

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